Partie 2 | Une délégation de La Via Campesina a visité la Palestine en décembre 2024 : Notes de leurs carnets de bord quotidiens

Jour 3 : Naplouse et Qusra
Mardi matin, nous quittons l’appartement à 7h30, en direction de Naplouse, la grande ville du Nord de la Cisjordanie.
Le principal check-point pour sortir de Ramallah en direction du Nord est situé en contrebas d’une colline où les israéliens ont implanté la colonie de Beit El et où est basé un important commandement militaire. Le check-point est fermé jusqu’à 9h, impossible de passer. Nous empruntons donc une autre route qui longe le mur d’enceinte de la colonie. Miradors, barbelés, soldats lourdement armés. Dans un creux du mur, nos hôtes nous montrent une maison dont les propriétaires, palestiniens, sont parvenus par une longue procédure légale à stopper l’ordre d’expulsion et d’expropriation. Le miracle juridique se paye cher, puisque la petite maison est à présent littéralement encerclée d’une paroi en béton de huit mètres de haut, parée de dizaines de caméras de surveillance et close d’un haut portail. Seuls les habitants sont autorisés à entrer chez eux, à l’exclusion de tout ami ou famille.
La route nous permet d’observer de façon directe le processus de colonisation. Les villages palestiniens sont installés dans les vallées, entourés de champs d’oliviers et d’autres cultures, à proximité des cours d’eau. Le haut des collines est assez inhospitalier. Mais c’est là que les colons israéliens s’installent, pour d’évidentes raisons stratégiques. Depuis les hauteurs, ils dominent, au sens propre comme au figuré. Ils peuvent surveiller tous les déplacements, les allers et venues des paysans comme le trafic routier. La sensation de suffocation nous prend au ventre. Les colonies sont parfois des petites villes bien installées, de plusieurs centaines d’habitants. Mais parfois, il ne s’agit que de quelques mobil-homes. Fuad nous explique que certaines de ces implantations n’existaient pas la dernière fois qu’il est allé à Naplouse, il y a seulement quelques semaines. Depuis quelques mois, elles poussent comme des champignons. Le gouvernement israélien les raccorde systématiquement aux réseaux d’eau et d’électricité et leur offre une protection militaire. D’ailleurs, la façon la plus simple de reconnaître une colonie israélienne d’un village palestinien est de regarder s’il y a des citernes d’eau sur les toits. En effet, c’est Israël qui contrôle la ressource en eau et il rationne de façon drastique l’eau allouée aux palestiniens. Dans les maisons palestiniennes, l’eau courante n’est disponible que de façon très sporadique, parfois deux jours par mois, parfois pas pendant plus de trois mois. Les familles palestiniennes sont donc obligées de stocker l’eau sur leur toit et de restreindre durement leur consommation. Au contraire, tous les foyers israéliens ont l’eau courante en permanence et à volonté. Chaque Palestinien de Cisjordanie consomme en moyenne 80 litres d’eau par jour, contre plus de 240 litres par Israélien.
L’équipe de l’UAWC nous explique le zonage issu des accords d’Oslo en 1993. Les territoires occupés palestiniens ont été répartis en trois zones : A, B et C. La zone A est censée être sous contrôle de l’autorité palestinienne, et notamment de la police palestinienne. Il s’agit des principales villes palestiniennes, Ramallah, Hébron, Naplouse, Bethléem, Jénine,… La zone B est sous autorité mixte israélienne et palestinienne. La zone C est sous autorité militaire israélienne. L’essentiel du territoire de la Cisjordanie est en zone C, ainsi que la quasi totalité des villages et des terres agricoles. Cette répartition était censée être provisoire, puisque les accords d’Oslo prévoyaient de créer un Etat palestinien en cinq ans, avec le retour de tous les territoires occupés sous le giron palestinien. La promesse a fait long feu. Entre 1993 et 2023, le nombre de colons a été multiplié par presque dix. La quasi totalité des colonies s’implantent en zone C. Les palestiniens ont le sentiment d’avoir été dupés.

Après une petite heure de route, nous arrivons à un nouveau check-point, matérialisé par une barrière orange, à quelques minutes seulement de notre lieu de rendez-vous à Naplouse. Il est fermé. Des soldats nous enjoignent de faire demi-tour. Mustapha souffle « 30 minutes de plus ». Les distances entre chaque ville ou village sont courtes en Cisjordanie, 120 kilomètres du Nord au Sud, une cinquantaine d’Est en Ouest. Mais les trajets peuvent durer des heures. Il faut chercher une nouvelle voie d’entrée. Les barrières, jaunes ou rouges, qui s’ouvrent et se ferment au gré des décisions arbitraires des Israéliens, font penser à un immense jeu de labyrinthe qui aurait été créé par un inventeur sadique pour rendre dingues ceux qui, impuissants, tournent en rond pour tenter de trouver un passage.
Après une autre tentative avortée, la suivante sera la bonne. À 9h45, nous atteignons le gouvernorat de Naplouse. Nous sommes reçus par le gouverneur, Ghassan Daghlas. Il nous explique que la ville de 440.000 habitants subit un siège. Elle est contrôlée par quatre check-points, que les Israéliens décident de bloquer ou d’ouvrir à leur gré. Naplouse est un important centre industriel et commerçant, mais les difficultés de circulation affectent directement l’activité économique. De plus, les attaques à l’intérieur de l’agglomération sont de plus en plus fréquentes, que ce soit les raids de l’armée israélienne ou bien les agressions réalisées par les milices des colons. Fin 2023 et en 2024, le Ministre de la sécurité nationale d’Israël, Itamar Ben Gvir, a distribué des fusils d’assaut aux colons et le niveau de la violence contre les habitants palestiniens a décuplé. Cette situation a aussi des conséquences terribles pour les paysans. Sur les 270 attaques enregistrées contre des paysans palestiniens, 160 ont eu lieu dans la région de Naplouse. Les colons s’en prennent aux maisons, brûlent les oliviers, empêchent les cultivateurs d’aller récolter leurs olives.
Le gouverneur nous montre un film documentaire d’une dizaine de minutes avec des images terribles de colons attaquant des civils palestiniens. « Nablus, hope prevails » est le titre du film. Nous ne sommes pas certains d’y voir beaucoup d’espoir…
Dora pose une question « Est-ce que la pression de la communauté internationale joue ou pas ? ». Le gouverneur exprime sa déception quant aux gouvernements des pays occidentaux. Mais le conseiller agricole nous explique qu’en 2024 la récolte des olives a été meilleure qu’en 2023 grâce à la présence de volontaires internationaux qui ont accompagnés les paysans jusqu’à leurs champs. En zone C, l’autorité palestinienne doit se coordonner avec l’administration israélienne pour de nombreux aspects du quotidien, via un organisme qui s’appelle la DCO. Les paysans palestiniens doivent demander une autorisation via cette DCO pour obtenir la permission de se rendre sur leur champ pour récolter leurs olives. En année « normale », cette autorisation est donnée, mais seulement pour les femmes et les hommes de plus de quarante ans. Comme les paysans n’ont pas le droit d’aller sur leurs champs en dehors de cette période, ils en profitent pour fertiliser les cultures, tailler les arbres, bref, faire tous ce qu’ils auraient du faire au cours de l’année s’ils en avaient la possibilité. En 2023, la plupart des agriculteurs n’ont jamais obtenu l’autorisation de se rendre sur leurs parcelles, ou bien des semaines après que toutes les olives soient tombées au sol et aient pourries. Cela a été tragique pour l’économie de la région, qui dépend beaucoup des olives. Les paysans sont donc en première ligne face à la colonisation. Depuis le 7 octobre 2023, il n’y a plus de limites aux exactions des colons israéliens, qui peuvent commettre n’importe quel crime sans jamais être punis.
Fanny demande : « Comment les gens réagissent-ils face à la violence des colons ? Comment pouvez-vous les protéger en tant qu’autorité palestinienne ? ». Le gouverneur n’est pas très à l’aise et répond par un discours sur l’esprit de paix. On sent que Aghsan et Taman, les deux jeunes palestiniennes de UAWC, bouillonnent. Nous comprendrons par la suite que l’absence de réaction de la police palestinienne face aux exactions de l’armée israélienne et des colons, y compris en zone A, fait l’objet de forte tensions. La police palestinienne est-elle là pour protéger les citoyens palestiniens ou bien pour protéger la puissance occupante ?
Le minibus nous emmène sur les hauteurs de la ville pour pique-niquer au vent et au soleil. Nous surplombons Naplouse qui est « coincée » entre deux montagnes à l’est et à l’ouest, très urbanisée dans la cuvette et sur les pentes.
Sur chaque montagne, de part et d’autre, dominent 2 bases militaires israéliennes, et comme on a pu le constater ce matin, des portes avec check-point se trouvent aux entrées au sud et au nord.
On réalise qu’en quelques heures, la ville peut être complètement verrouillée et se transformer en prison à ciel ouvert, ou pire. Flippant.
Tamam me montre du doigt les camps de réfugiés situés au cœur de la ville. Réfugiés de la Nakba depuis 1948 , ils ont dû tout quitter pour s’entasser dans des périmètres restreints, où la place manque et où la précarité est grande.
Avec son franc-parler, elle m’explique que c’est dans les camps de réfugiés majoritairement que sont issus les jeunes résistants les plus radicaux. Forcément, ils n’ont pas grand-chose à perdre.
Au moment où nous sommes à Naplouse, ça chauffe à Jenin entre la jeunesse révoltée et les autorités palestiniennes. Elle me raconte combien le peuple palestinien, en particulier la jeunesse, est très critique et remonté contre le gouvernement de Mahmoud Abbas et ses forces de l’ordre, qui, me souffle-elle, semblent plus protéger les colons que les palestiniens eux mêmes.

Face à nous, dans la pente, se trouve le quartier chrétien. Plus au sud, Fuad nous indique le quartier des juifs samaritains. Ils sont palestiniens et le revendiquent, ils cohabitent depuis toujours avec les autres communautés, sans heurts ni problèmes. En tant que palestiniens, ils subissent eux aussi les agressions, la haine et le racisme des colons et des soldats israéliens. On découvre qu’on est loin de l’histoire binaire et manichéenne sur fond de guerre de religion qu’on nous sert en occident.
On reprend la route pour Qusra, petite commune rurale complètement gangrenée par l’occupation.

En route, Fuad nous fait la surprise d’une halte dans une pâtisserie qui fait aussi office de salon de thé. Première pause sucrée de la semaine et sûrement pas la dernière, nos hôtes sont des vrais gourmands et ça nous réjouit ! La région de Naplouse est réputée pour ses pâtisseries, particulièrement le knafeh, fabriqué à partir d’une sorte de fromage coulant recouvert de chapelure. Fuad en prépare régulièrement mais refuse de nous expliquer la recette, ça restera donc un mystère. Et comme à chaque fois depuis notre arrivée, où qu’on soit, on nous sert du café à la cardamone.
Avant de repartir, avec Dora, Malu et Tamam, nous montons aux toilettes à l’étage. Il y a plusieurs dizaines de jeunes filles collégiennes attablées, portant toutes un voile blanc identique, accompagnées de leurs enseignantes.
4 des plus délurées viennent nous aborder, Tamam joue l’interprète, elles ont du mal à croire qu’on vienne de France et d’Espagne. Elles veulent absolument qu’on prenne une photo ensemble. Du coup, ça motive toutes les autres et on se retrouve assaillies par une trentaine de jeunes filles surexcitées, émerveillées de nous voir là, qui nous bombardent de questions, nous prennent la main, veulent toutes nous parler en même temps… il y a tellement d’énergie, de curiosité et de sourires, que nous en pleurons de rire avec Dora.
Moment complice magique et en même temps qui laisse un arrière goût doux-amer. Pour la première fois du séjour, je réalise à quel point plus personne ne vient en Palestine, à quel point le pays est isolé, à quel point les palestiniens sont en demande d’échange, de liens, de partage.

Nous nous rendons ensuite au village de Qusra, où nous sommes accueillis dans la salle du conseil municipal par des élus et des paysans. Les visages sont graves. Le maire nous présente la situation.
Toute l’économie locale repose sur l’agriculture, mais depuis plus de vingt ans, six colonies israéliennes ont peu à peu encerclé le village. Il n’y a que 600 colons pour 7000 palestiniens, mais les colonies contrôlent à présent cinq fois plus de terres que ce qu’il reste aux villageois. Dans cette commune, UAWC avait lancé un programme de réclamation légale des terres, qui consistait à assurer la reconnaissance des titres de propriété des paysans palestiniens pour empêcher leur confiscation par les colons. En 2017, un des paysans engagé dans cette bataille juridique a été assassiné en se rendant sur sa parcelle. Le lendemain du meurtre, les colons sont allés terroriser sa famille et ils ont labourés son champ. Le fils est présent dans la salle municipale. Il nous raconte la suite. Conscient du danger, la municipalité avait appelé la DCO pour les informer du déroulé des funérailles. Malgré cela, les colons ont attaqué la cérémonie et tués deux autres personnes. Les portraits des personnes défuntes sont affichées sur les murs de la salle. Le maire reprend la parole : « Nous sommes en zone B, mais nous n’avons quasiment plus de terres, comment allons-nous survivre ? ».
Nous remontons dans le minibus pour aller voir sur le terrain la situation. A la lisière du village, le maire nous pointe du doigt sur la droite, en haut de la colline, la colonie : « Ils n’était que 47 il y a deux ans. Maintenant ils sont 200 ». En face, au sommet de l’autre colline, un immense drapeau israélien flotte au vent.
« Ça, c’est leur façon de faire. Ils plantent un drapeau sur nos terres, là où nos grands-parents ont planté les oliviers, et ensuite on n’a plus le droit de s’en approcher à moins de 200 mètres. Que peut-on faire ? Ils sont armés ».
Une clôture matérialise la limite fixée par les colons. Un berger palestinien fait pâturer ses brebis à côté. Fuad est nerveux. Il a constaté que quelqu’un nous observait depuis le mirador posté à la lisière de la colonie. Vite, il faut remonter dans le bus.
Direction l’Ouest du village à présent, de l’autre côté de cette même colonie. Nous nous arrêtons face à une barrière rouge qui bloque le passage vers la route principale. Cette barrière est fermée depuis le 7 octobre 2023, mesure de punition collective. La voie, récemment rénovée, monte tout droit vers la colonie, dont l’accès est contrôlé par un check-point et un mirador. Les voitures israéliennes passent en trombe en rasant les maisons palestiniennes. Autour, les colons ont pris les terres et planté de la vigne « pour l’export vers l’Europe » nous dit le maire. Il nous explique les multiples difficultés créées par ce barrage, en particulier pour les paysans qui ne peuvent plus passer en tracteur, mais aussi pour le petit commerce. Soudain, un pick-up militaire déboule. Deux soldats lourdement armés sortent et crient « Les étrangers doivent dégager ». Le maire s’approche d’eux pour tenter de parlementer. Nous reculons. Les enfants palestiniens se pressent autour de nous. Aghsan traduit. « Pourquoi vous ne restez pas ? Faites ouvrir la barrière ! ». Il se joue à cet instant quelque chose entre la volonté de dignité et la limitation du risque. Les Palestiniens ne veulent pas battre en retraite. Après tout, ils sont dans leur village, ils sont même de leur côté de la barrière. Fuad nous dit « Attendez, ne bougez pas ». Le ton monte. Trente secondes. Fuad nous dit de monter dans le bus. Nous partons. Nous avons honte de notre impuissance.
Sur le chemin vers une troisième étape dans Qusra, nous embarquons deux volontaires internationales, deux jeunes femmes. A présent, nous sommes dans la partie Sud du village, sur une partie un peu plus en hauteur. Face à nous, deux autres colonies. La première n’est constituée que de quelques mobil-homes épars sur le versant caillouteux d’une colline. Ces 200 hectares sont destinés à de futurs éleveurs Israéliens. En attendant, c’est quasiment vide, mais néanmoins interdit aux Palestiniens. Une autre colonie est installée sur la colline suivante. Entre le village de Qusra et cette colonie, à quelques centaines de mètres, nous observons des poulaillers, six ou sept bâtiments, chacun pouvant contenir entre 5000 et 10000 poulets. Ces élevages modernes faisaient la fierté des villageois. Mais après octobre 2023, les Israéliens ont coupés l’électricité et ont interdit l’accès à ces bâtiments. Les poulets étaient juste bien engraissés, prêts à être vendus. Nous demandons si les colons ont volés les poulets. Un des paysan nous réponds « Non, ils les ont juste laissés mourir, enfermés, sans eau ni nourriture ».

La maison où logent les volontaires est juste derrière nous. Les deux jeunes femmes sont italiennes. Il y a deux mois, au début de la saison de la récolte des olives, elles ont subit un raid, à un moment où une quinzaine d’Occidentaux étaient présents dans le village. Plusieurs ont du être hospitalisés. Malgré tout, elles restent. Les paysans confirment que leur présence a beaucoup allégé le niveau des violences subies et que cette présence internationale est probablement la meilleure défense face à la colonisation. La volontaire raconte « C’est triste, mais nos vies d’Européennes ont plus de valeurs au yeux du monde que les vies des enfants palestiniens. Nous sommes parfois attaquées, mais ce n’est rien comparé à ce que subissent les Palestiniens ». Elle continue « Notre arme, c’est notre téléphone portable, les photos et les vidéos. Ça terrorise les colons, l’idée qu’on puisse montrer en Europe ce qu’ils font ».

Vers 16h, nous quittons Qusra et reprenons la route, impressionnées par le courage des paysans et des volontaires, par leur ténacité, mais aussi pleines de questions sur ce qui peut bien motiver des gens à aller s’installer dans des colonies entourées de barbelés. Fanny s’exclame « It’s crazy ». Pourquoi ? Pourquoi ?
Au retour, même paysage scandé de barrières rouges et jaunes, de check-points, de barbelés et de miradors. A chaque sommet de colline ou presque, un drapeau israélien. Cisjordanie occupée. Occupation. Colonisation. A chaque entrée de colonie, des dizaines de drapeaux israéliens. Au bord de la route, des publicités en hébreu et une affiche jaune avec le visage d’un rabbin. Soudain, un grand panneau 4X3 écrit en arabe, le premier que nous voyons. Je demande à Taman « Qu’est-ce qui est écrit ? ». Elle explique « Ce sont les Israéliens qui ont mis ce panneau, ça s’adresse à nous, pour nous décourager. Ça dit : Pas d’avenir en Palestine ».
Cette journée a été forte en émotions, nous avons vraiment pris la mesure de la situation impossible que vivent les palestiniens en Cisjordanie, nous avons vu à quelle vitesse les colonies s’implantaient, volaient la terre aux paysans, occupaient l’espace, prenaient le pouvoir, balayaient les droits des habitants. Comment les colons imposaient un climat de frayeur, de domination absolue. On a ressenti de la peur face aux soldats, on s’est retrouvé complètement démuni et abattu face aux paysans et aux enfants qui nous accompagnaient.
Et toute la journée, je me suis demandée en boucle comment est-ce que des personnes faisaient le choix de devenir colons, comment faisaient-ils pour accepter cette vie de haine, comment pouvaient-ils imaginer élever leurs enfants dans cet enfer, barricadés entre des clôtures et des barbelés, à haïr les gens alentours, à les suspecter du pire, jusqu’à pouvoir les tuer. Comment est-ce que la propagande, le formatage, le lavage de cerveau pouvaient réussir à ce point, à transformer des humains en monstres ?

De retour à Ramallah, nous allons manger dans la vieille ville, c’est animé, il y a des cafés, des restaurants et des échoppes dans les vieilles bâtisses en pierre, on pourrait croire que la guerre n’existe pas. Dans le restaurant, on nous sert plein de petits plats : tahin, sauces yaourts, tomates, salades, grillades… on fait bombance ! Carlos et Ollie ont acheté deux bouteilles de vin juste à côté, et Morgan lève son verre pour trinquer à mon anniversaire. J’avais reçu des petits messages de mes proches tôt le matin et puis j’avais ensuite complètement oublié que nous étions le 10 décembre.
Je remarque que Aghsan et Tamam se sont éclipsées et on les voit revenir 5 minutes plus tard avec un gâteau au chocolat et une grosse bougie au dessus. On me chante joyeux anniversaire en anglais et en arabe et j’ai les larmes aux yeux, forcément ! Quel cadeau précieux que de fêter mes 43 ans ici, entourée de personnes exceptionnelles, sur cette terre de résistance.
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