Les droits des paysan·e·s à l’ordre du jour de l’ONU

Communiqué de l’Union Paysanne, membre de La Via Campesina au Canada

Montréal, 10 décembre 2019 – Le 10 décembre est la Journée internationale des droits humains et premier anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales. L’Union paysanne célèbre les efforts du mouvement international La Via Campesina et ses alliés, tout en demandant aux gouvernements fédéral et provincial que les principes de la Déclaration se réflètent dans la législation canadienne et québécoise.

Quand un travailleur agricole saisonnier qui travaille sur une ferme québécoise ayant moins de 3 permanents ne peut pas se syndiquer, qu’un agriculteur au Saskatchewan rendu malade par le Roundup continue de l’utiliser parce qu’il croit ne pas avoir d’alternative, que la viabilité d’une ferme laitière canadienne est sacrifiée sur l’autel des accords de libre échange dominés par les sociétés transnationales, il s’agit dans tous ces cas de violation des droits humains faisant partie de la Déclaration. Il en va de même pour un paysan dont les cultures biologiques sont menacées par une contamination venant des cultures OGM dans les alentours ou pour un agriculteur « conventionnel » qui a de la difficulté à trouver des semences non-OGM sur le marché. (Voir les articles 2, 9, 14, 16, 19, 20 de la Déclaration) Et tous ces producteurs agricoles canadiens dans toutes les catégories qui subissent une pression financière lourde et constante, se voyant souvent obligés de supplémenter leurs revenus par un emploi à l’extérieur de la ferme, sont victimes de violation de leur droit à un niveau de vie suffisant.(Voir l’article 16)

Selon les principes de la Déclaration, les États doivent veiller à ce que les accords internationaux qu’ils signent soient « compatibles avec leurs obligations relatives aux droits de l’homme applicables aux paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. » Les États doivent aussi « prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les acteurs non étatiques» dont «les sociétés transnationales, respectent et renforcent les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales. » En somme, il faut que les droits des paysans, tels que les droits à la terre, aux semences et à la biodiversité, priment sur les intérêts commerciaux ou politiques plus larges.

C’est dans ce contexte que l’Union paysanne applaudit la résolution du Conseil des droits humains des Nations unies visant à créer un instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et les droits humains. En tant que membre du mouvement international, La Via Campesina, elle constate que ce sont fréquemment les communautés rurales et paysannes qui sont les plus affectées par les agissements des sociétés transnationales. L’accaparement des terres, la contamination des eaux et des sols, les attaques contre les défenseurs des droits paysans et environnementaux, toutes ces violations sont le résultat de projets agro-industriels, de l’exploration et de l’exploitation minière, ou de travaux d’infrastructure, menés sans égard aux droits des populations paysannes par des sociétés transnationales bénéficiant de l’appui actif ou tacite des gouvernements concernés. Un instrument juridiquement contraignant permettrait d’en finir avec l’impunité des sociétés transnationales, en obligeant les gouvernements des pays du Nord où se trouve leur siège social d’assumer la responsabilité de réglementer toutes leurs activités et en renforçant la capacité des pays du Sud de les contrôler.

Il s’agira d’un long chemin et beaucoup d’efforts de la part de la société civile pour faire en sorte que cette initiative onusienne aboutisse dans un instrument qui soit vraiment efficace, un complément important à la Déclaration internationale sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.

Au pays, nous devrions demander au gouvernement fédéral d’appuyer l’initiative onusienne, tout en insistant sur la nécessité de donner des pouvoirs réels au poste canadien d’Ombudsman indépendant pour la responsabilité des entreprises canadiennes. Et il faut surtout rappeler au gouvernement canadien, même s’il s’est abstenu lors du vote à l’Assemblée générale des Nations unies, de son obligation de prendre des mesures pour assurer la pleine réalisation des droits énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.