Les communautés et organisations d’Afrique de l’Ouest résistent et font valoir leurs droits

(Bamako, le 4 février 2016) L’eau, la terre et les semences sont des ressources naturelles vitales qui font partie de notre héritage commun. Ce sont des biens communs et non des marchandises. Elles doivent être sécurisées, préservées et gérées par les communautés pour le bien commun de nos sociétés et l’environnement, aujourd’hui et pour les générations à venir. En Afrique, environ 70 pour cent de la population dépend de l’agriculture familiale paysanne. L’accès sécurisé et le contrôle de la terre, l’eau, les forêts et les semences sont donc des facteurs vitaux pour les communautés et doivent être respectés et protégés en tant que droits. C’est la condition de la réalisation de nos droits humains, y compris le droit à une alimentation adéquate et à la nutrition, le droit à l’eau et à l’assainissement, le droit à la santé, le droit à la culture, le droit au logement, le droit au travail et le droit à la libre-détermination des peuples.

Pourtant, la mainmise sur les ressources naturelles par des entreprises, gouvernements, élites, spéculateurs, souvent soutenus par la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), les pays industrialisés et d’autres institutions et consortiums continue de s’aggraver. Cela se fait au nom de la sécurité alimentaire, de la protection de l’environnement, sous prétexte de limiter les effets du changement climatique, de produire de l’énergie « propre », des mégaprojets d’infrastructures et/ou au nom du soi-disant « développement », qui sont souvent promus par des partenariats public-privé. Cette dynamique engendre la concentration des ressources dans les mains de quelques acteurs puissants, l’expulsion des communautés et l’asservissement des populations. Des territoires entiers sont vidés de leurs communautés, tandis que la perte d’identité et la destruction des écosystèmes rendent la vie impossible.

Les accords commerciaux et d’investissements internationaux tels que les accords de partenariat économique (APE) aggravent les inégalités entre les pays et entravent le recours à des mesures de sauvegarde pour la population, en particulier des groupes marginalisés. Les projets de développement internationaux et les activités des sociétés transnationales (STN) sont devenus des facteurs de plus en plus importants et nuisibles pour les ressources naturelles et la vie des communautés en Afrique et dans d’autres régions du monde. Ils renforcent souvent les structures de pouvoir inégales existantes et contribuent à marginaliser davantage des groupes déjà défavorisés de la population, comme les femmes, les jeunes et les enfants.

Une grande partie de la responsabilité incombe à nos gouvernements, nos autorités locales, mais aussi aux entités régionales et sous-régionales comme l’Union africaine, la CEDEAO et l’UEMOA. Ce sont les lois et politiques développées et approuvées par nos gouvernements et ces institutions qui perpétuent et aggravent les inégalités et la marchandisation de nos ressources ! En ce moment, plusieurs processus sont en cours auxquels la société civile doit être particulièrement attentive tels que les directives sous-régionales sur la gouvernance foncière en cours de négociation à la CEDEAO ou encore les règlements sur les risques liés aux biotechnologies développés actuellement à l’UEMOA.

En réponse à ces menaces pour nos vies et notre bien-être, des communautés et des organisations de base – en Afrique et partout dans le monde – résistent et luttent, en faisant valoir leurs droits et en présentant de vraies solutions pour l’intérêt général, pour l’avenir de la planète et de l’humanité. Plusieurs mouvements sociaux et de bases, et plusieurs organisations de la société civile, engagés dans la défense des droits à la terre, l’eau et les semences, se sont réunis à Dakar en octobre 2014 dans le cadre du Forum Social Africain pour lutter et protester contre les accaparements de toutes les ressources naturelles et contre les violations systématiques des droits humains qui les accompagnent. Le partage des idées nous a amenés à reconnaître la solidarité essentielle de nos luttes et de nous réunir de nouveau lors du Forum Social Mondial à Tunis en mars 2015 où nous avons continué ce dialogue avec des mouvements et organisations du monde entier. Cela a abouti à la création d’une Convergence Globale des luttes pour la terre et l’eau.

La déclaration Droits à la Terre et à l’Eau, une lutte commune

La Déclaration de la Convergence Globale des luttes pour la terre et l’eau1 contient la vision, les principes et les aspirations de cette Convergence et sert de base pour la construction d’un mouvement fort et uni qui lutte pour des politiques qui mettent en avant nos droits humains et notre souveraineté alimentaire. Les signataires de cette déclaration se sont engagés à poursuivre le processus de construction de cette Convergence à partir des bases avec la Déclaration comme socle commun de principes et d’actions. Dans cet esprit, plusieurs organisations de onze pays ouest-africains ont créé la plateforme sous-régionale de la Convergence Globale des Luttes pour la Terre et l’Eau, en juin 2015.

La Convergence Globale des Luttes pour la Terre et l’Eau – Afrique de l’Ouest est composée de plus de 300 organisations paysannes (dont les éleveurs, les pêcheurs, les forestiers…) et des organisations représentant des victimes d’accaparements de terres et de l’eau (en milieu rural, péri-urbain et urbain), des déguerpi-e-s des quartiers populaires, des jeunes, des femmes et des ONG des 15 pays de l’espace de la CEDEAO et de l’UEMOA, dont des réseaux actifs et reconnus auprès de ces institutions, notamment le ROPPA. Les organisations et mouvements sociaux s’organisent en plateformes nationales pour mener des activités en synergie dans le cadre de la Convergence. La caravane, première action de la Convergence, est aussi portée par des réseaux sous-régionaux : ROPPA, COPAGEN, COASP, RBM, Via Campesina Afrique 2, No Vox Afrique, Nous sommes la solution…

La Convergence ouest-africaine s’inscrit dans une perspective de dynamique des terroirs gérés par et avec les communautés grâce à des exploitations agricoles familiales basée sur l’agroécologie paysanne et le droit à l’alimentation répondant au principe de la souveraineté alimentaire. Cette perspective vise le développement de systèmes d’alimentation locaux, la biodiversité, le contrôle de nos semences et le respect des cycles naturels de l’eau. Cette vision s’applique aux populations rurales, urbaines et péri-urbaines et comprend des relations entre producteurs et consommateurs basées sur la solidarité mutuelle et la coopération.

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Une caravane ouest-africaine pour faire valoir nos droits à la terre, à l’eau et aux semences

Appel à la mobilisation