Du 17 avril au 3e Forum Global Nyéléni, cultivons la souveraineté des peuples !

Le 17 avril a été proclamé Journée internationale des luttes paysannes en hommage aux 21 travailleurs ruraux et paysans sans terre massacrés par la police de l’État du Pará, dans la municipalité d’Eldorado do Carajás, au Brésil. Cet événement tragique s’est produit dans le cadre d’un processus de lutte mené dans la région contre les grands propriétaires terriens qui avaient usurpé les terres de la paysannerie. C’est donc en geste de rébellion et de solidarité que cette date est commémorée chaque année, et continue de faire partie intégrante de notre histoire et de notre engagement dans la lutte des paysan·nes pour la défense de la terre, de l’eau, des territoires, des droits humains, et pour l’amélioration des conditions de vie dans les campagnes comme dans les zones périurbaines.
Il est important de rappeler que notre lutte s’inscrit dans la défense des droits humains et de la vie, telle que reconnue par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). Face à l’avancée du capital sur des territoires autrefois considérés comme “marginaux”, les paysan·nes, les peuples autochtones et les habitant·es des zones rurales représentent aujourd’hui la principale ligne de résistance contre l’hydro-agro-extractivisme imposé par les mégacorporations transnationales.
Nos territoires, dont le climat et la biodiversité sont continuellement détruits par les intérêts capitalistes qui imposent des technologies toujours plus dangereuses, sans débat, sans consultation, sans participation publique. Nos modes de vie sont constamment menacés. L’instabilité politique et sociale se généralise à travers des assassinats systématiques, des massacres, des disparitions forcées, des taux alarmants de féminicides, des emprisonnements et détentions arbitraires, des intimidations, du harcèlement et des menaces, des persécutions à l’encontre des défenseur·euses des territoires, des migrations forcées, des interventions, des blocus et des guerres contre nos peuples.
Alors qu’un monde multipolaire se profile à l’horizon, les revendications pour le droit à la terre, la réforme agraire intégrale et populaire, la souveraineté alimentaire, ainsi que la dénonciation de la criminalisation et de la persécution des dirigeant·es sociaux, demeurent pleinement actuelles. Elles sont le socle fondamental des luttes historiques qui ont porté des victoires au mouvement paysan.
Le 17 avril est une date pour maintenir haut l’appel à la ratification de nos positions et de nos bannières de lutte. C’est une occasion de réaffirmer que, pour nos sociétés diverses, cette date incarne la continuité de notre plaidoyer pour la souveraineté alimentaire, à travers la pratique de l’agroécologie et son rôle face à la crise climatique, la production alimentaire locale, la paix, le féminisme paysan populaire, l’autodétermination avec dignité et la souveraineté des peuples. Elle interpelle également les gouvernements à l’appliquer par des politiques publiques qui garantissent le bien vivre de la paysannerie.
Il est donc essentiel de maintenir la pression pour construire un modèle systémique alternatif, garantissant la justice sociale et permettant de mener des actions à l’échelle locale, régionale, continentale et internationale.
Dans le contexte actuel — dominé par les réseaux d’influence des grandes entreprises, la crise environnementale, les guerres, les génocides, les pandémies — nous devons renforcer le mouvement paysan pour inverser le poids du pouvoir corporatif au profit des droits des grandes majorités sociales de la planète. C’est une priorité collective qui nous engage toutes et tous à agir du global au local, sans exception.
En tant que mouvements sociaux, les défis qui nous attendent sont nombreux. Il est essentiel de s’unir, de chercher la solidarité, le respect, la compréhension mutuelle, d’être critiques et autocritiques vis-à-vis des processus que nous construisons. Il est fondamental que les communautés et les peuples affirment à tous les niveaux leur droit à l’autodétermination dans la solidarité, et qu’ils tissent des réseaux forts de résistance aux niveaux local, national, continental et mondial.
Aujourd’hui, dans les campagnes, la pauvreté pousse de plus en plus de paysan·nes à migrer vers d’autres pays, notamment les États-Unis, dont le président mène actuellement une campagne contre les migrant·es afin de les forcer à retourner dans leurs pays d’origine. Face à cela, nous lançons un appel aux peuples, aux gouvernements, aux organisations des Nations Unies, à l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), au Fonds international de développement agricole (FIDA), aux centres de recherche, afin qu’ils facilitent la mise en place de politiques publiques, l’accès à la terre, au crédit, en faveur des secteurs vulnérables — en particulier celles et ceux d’entre nous qui nourrissent le monde.
En plus d’être une journée de résistance et de lutte paysanne, le 17 avril nous appelle à remettre l’agriculture au centre des tâches les plus urgentes du moment : sortir de la pauvreté extrême et de la crise, améliorer nos conditions de vie, et construire de la stabilité. Le monde est complexe, mais il recèle aussi un immense potentiel d’avancée grâce à l’importance de l’agriculture paysanne dans ce contexte.
Pour toutes ces raisons, les mouvements populaires du monde entier nous appellent au 3e Forum Global Nyéléni pour transformer les systèmes à partir du mouvement pour la souveraineté alimentaire, pour élargir nos luttes depuis les mouvements paysans et les peuples autochtones jusqu’à l’ensemble de la société, car l’humanité a besoin de nous, la Terre Mère a besoin de nous.
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